The Grateful Dead et sa liste d’envoi
27 Avr
The Grateful Dead (1965-1995), un groupe précurseur en terme de relation avec son audience, très en avance sur son temps. Un groupe qui était en possession d’une immense quantité d’adresses postales, et qui est devenu une institution aux Etats-Unis en créant une communauté de fans impressionnante, les Deadheads. Il est encore aujourd’hui un phénomène social très important dans l’époque contemporaine américaine.
Pour ceux qui ne connaissent pas le groupe et son environnement, vous êtes invités à lire cet article publié sur MusicMug: The Grateful Dead: la communauté de fans et le marketing au sein du mythe.
Comment The Grateful Dead a récupéré des adresses postales
A une époque où les courriels n’existaient pas, tout se faisait par voie postale. Donc comparativement à aujourd’hui, le temps alloué était bien plus élevé: emmagasiner et centraliser les adresses, stocker, diffuser.
Dans la pochette d’un album live officiel de 1971, The Grateful Dead proposa aux fans d’envoyer leur adresse, comme quoi en retour ils seraient tenus informés. Informés de quoi? De beaucoup de choses!
DEAD FREAKS UNITE: Who are you? Where are you? How are you?
Send us your name and address and we’ll keep you informed.
Dead Heads, P.O. Box 1065, San Rafael, CA 94901
350 répondirent rapidement; puis progressivement le processus a pris: la liste d’envoi a atteint 290 000 adresses postales au cours des années 90 (selon le livre Popular Music Fandom: Identities, Roles and Practices – Rebecca G.Adams, Amy M. Ernstes, Kelly M. Lucey). Une quantité d’adresse énorme, régi par les Deadheads gérant le fan-club.
Document d’époque: nombre total de fans pour la liste d’envoi (Etats-Unis: 9372 et Europe: 885) – Avril 1972 (Soit un an après avoir proposé à l’audience d’envoyer ses coordonnées postales):
The Grateful Dead et son fan-club
Etre membre du fan-club était gratuit, chose peu courante pour l’époque. On était loin de Kiss avec sa Kiss Army: un groupe certes bien plus penché vers l’argent que The Grateful Dead, qui a aussi établi son propre business model.
Comment fonctionnait The Grateful Dead et son fan-club? A l’image de la musique du groupe, très « free » et improvisée. L’intérêt premier était l’échange artistique entre le groupe et les fans. Les Deadheads recevaient divers contenus: infolettres avec, par exemple, des informations sur le nouveau merchandising (très important dans la communauté Grateful Dead, car très typé) et le changement de label, des artworks (parfois créés par le guitariste Jerry Garcia). Ils recevaient beaucoup, mais donnaient au groupe, avec également des artworks, poèmes, ainsi que des feedbacks: mécontentement à cause du son lors d’une prestation, ressenti vis à vis du nouvel album, avertissement sur la réputation d’un futur lieu de concert, problèmes sur les « fameux parkings lots » qui regroupaient l’immense colonie de Deadheads etc. Les lettres les plus personnelles étaient transmises aux musiciens, faisant de leur mieux pour y répondre (chose compliquée au fil du temps; la fan base a continuellement augmenté). Il n’y avait pas de règles imposées, tout partage et idée était bienvenu: une stimulation à double sens qui agrémentait et construisait la communauté.
The Grateful Dead ne gagnait pas d’argent avec le fan-club. Les frais d’impression, d’envoi, et autre… lui coûtaient (par ailleurs frais inexistants avec Internet). Un marketing direct toujours d’actualité via les outils web, qui simplifient et raccourcissent le processus. Avec des logiciels d’envoi d’infolettres comme Mailchimp, Sarbacane…
Le groupe établissait une relation authentique et durable avec ses fans. Un des points clés dans sa route vers le statut d’icône. En pensant au temps qu’il fallait y consacrer, c’est une performance remarquable, pleine de dévotion: un des leviers sur lequel The Grateful Dead s’est toujours focalisé envers ses fans, qui le lui ont bien rendu. En somme, un travail de groupe…
Crédits photos: à la une: Chris Stone Flickr CC BY-SA 2.0
Fans pic: Duke University Archives Flickr CC BY-NC-SA 2.0
Voilà un bel éclairage sur la notion d’engagement, si chère à la communication web-média, dans laquelle le fan, l’abonné ou le follower est une pierre angulaire dans le développement de l’artiste en tant qu’entité propre.
Le plus impressionnant dans tout ça reste le système de correspondance par courrier qui nécessitait un engagement et un temps bien supérieur à aujourd’hui (via les nouvelles technologies). Un exemple de mutualisation qui a construit la communauté, et qui plus est a duré.