First Rays Of The New Rising Sun – Jimi Hendrix
24 Fév
Jimi Hendrix, le Voodoo Child, a révolutionné à jamais la six cordes par son inventivité, sa férocité, son feeling, son approche sonore. Trois albums studios + un live sur quatre années et il s’en est allé. S’en suivirent une pléiade de parutions officielles et non-officielles: lives, inédits, bootlegs, proposant tous des qualités variables. De ce fait, en 1995, la famille du guitariste a obtenu de gérer droits et parutions au sein d’une structure officielle. Pour généralement le meilleur (collaboration avec Eddie Kramer, ingénieur son et producteur historique de Hendrix), mais pas toujours. First Rays Of The New Rising Sun a été édité en 1997: c’est le meilleur témoignage de comment aurait pu évoluer la musique de Jimi Hendrix.
Les albums publiés du vivant de Jimi Hendrix sont les plus connus: Are You Experienced (1967), Axis: Bold As Love (1967), Electric Ladyland (1968), Band of Gypsys (1970). Pourquoi First Rays Of The New Rising Sun dans cet article? Il fût le premier album par lequel votre serviteur, âgé de 12 ans à l’époque, découvrit Jimi Hendrix. Pas forcément le chemin le plus logique pour explorer la musique du maître… Mais ce fût un élément déclencheur.
First Rays Of The New Rising Sun est paru sur le catalogue LLC géré par la famille Hendrix qui contrôle l’image, le nom et la musique. C’est donc un « officiel ». Ce qui veut aussi dire parfois racler les fonds de tiroir. Le dernier album sorti sous LLC, Valleys of Neptune, ne contient vraiment qu’un inédit, le reste étant des prises alternatives de studio. Avant sa mort, Jimi Hendrix désirait orienter sa musique vers d’autres dimensions et préparait le successeur au génial Electric Ladyland avec un projet ambitieux devant se presser sur un triple vinyle. La complexité de la situation légale suite à sa mort brutale et les nombreux profiteurs firent que les titres se retrouvèrent éparpillés. First Rays Of The New Rising Sun regroupe des titres de 3 albums posthumes: The Cry Of Love (1971), Rainbow Bridge (1971) et War Heroes (1972). The Cry Of Love est de loin le meilleur et tous les morceaux seront publiés dans le nouvel album-compilation.
First Rays Of The New Rising Sun, l’album
Chose marquante: l’incohérence de la setlist de 17 morceaux. Hendrix l’aurait-il voulu comme telle? Son prochain album studio était loin d’être finalisé. Autre chose: le son. Malgré l’utilisation des masters originaux, on constate un manque de dynamique qui fait normalement ressortir le jeu de guitare phénoménal de Hendrix. On est moins pénétré par son côté sauvage. Et le son crunch caractéristique du guitariste est amoindri. C’est donc un album qui s’écoute en lecture aléatoire. Chanson par chanson. Hormis deux ou trois titres (Drifting, Beginnings, Izabella), le reste est vraiment digne d’intérêt. Selon votre serviteur, on a peut être sur cet album le meilleur aperçu du génie en studio de Hendrix… En dépit de la qualité du mastering final de certains titres. Album réservé aux fans et aux guitaristes?
First Rays Of The New Rising Sun est une sorte de renouveau par rapport aux productions précédentes. Jimi Hendrix parlait parfois d’orientation plus jazz et funk, de jouer avec des Big Band etc. Il voulait explorer d’autres terrains musicaux. On le ressent à l’écoute. La composition est plus structurée qu’auparavant. Jimi Hendrix créa des titres spontanément en studio et improvisait beaucoup (Voodoo Child sur Electric Ladyland), ce qui donna du grandiose. Ici, il privilégia sûrement une autre approche, plus pensée. La majorité des titres sont très groovy et s’articulent sur des rhytmiques très funk. Cela nous éloigne un peu des côtés rock et distordus du guitariste: Astro Man, Dolly Dagger, Earth Blues, Ezy Rider, Freedom, Room Full Of Mirrors et son intro au relent des premiers albums psychédéliques de Pink Floyd, Stepping Stone, sont les meilleurs exemples.
Ezy Rider:
On retouve dans First Rays Of The New Rising Sun des éléments funk, jazz, blues, rock, souvent au sein d’un même morceau. Des éléments parfaitement maîtrisés et assemblés: ces morceaux sont un remarquable laboratoire d’overdubs. Ici c’est Hendrix le perfectionniste passant des heures en studio sur une gimmick. Il l’a toujours été, mais on a le sentiment qu’il a poussé la chose. Les rythmes furieusement entraînant et mesures composées se superposent. Les riffs élaborés s’entrecroisent dans des schémas complexes, toujours au service d’une grande musicalité. Les nombreux ponts sont remplis d’inventivité (le pont de Ezy Rider à 1min30?) et ne décelèrent pas la cadence. Un grand plaisir est d’écouter en stéréo les nombreuses subtilités faisant ressortir des instruments exploités avec justesse. A apprécier en mode Slow Litenning ;) La basse, tenue par Billy Cox, est très présente. Elle apporte une réelle directive à l’ensemble des morceaux. Les solos de guitare sont raccourcis par rapport aux productions précédentes, moins improvisés et plus « noyés » dans les chansons (à cause du mastering?). Peut-être moins étincelants; ce qui n’enlève rien à leur qualité ni à leur originalité.
Les motifs musicaux sont finalement un travail de groupe où chacun s’est appliqué à groover avec subtilité (Mitch Mitchell à la batterie; Buddy Miles joue sur 2 titres) au service de morceaux concis, mais tout autant innovants et virtuoses. In From The Storm, Night Bird Flying, Straight Ahead avec son excellente intro, son plus à dominante rock. Mais l’aspect groovy reste palpable. C’est ce qui régit la quasi-totalité de cet album. Tout au long, on y entend des chœurs soul-funk et des percussions très développées: un ensemble qui emmène parfois aux frontières de la World Music. Angel et Hey Baby sont des superbes morceaux mid-tempo typiquement Hendrixiens. Cosmiques et planants, laissant un goût d’inachevé, la faute au destin. My Friend et Belly Button Window (avec sa remarquable pédale Wah-Wah) sont des blues: le premier amour de Hendrix. Il s’exprime avec une voix posée et un jeu léger, loin d’un Red House nettement plus électrique.
Hey Baby:
C’est un très grand album de Jimi Hendrix. Le meilleur à titre posthume. Il contient des captures studios qu’il adorait effectuer pour progresser et perfectionner ses œuvres. Il était un grand arrangeur. Des morceaux sont plus aboutis; d’autres ne lui donnaient certainement pas satisfaction. L’inventivité et le génie dont il a fait preuve au long de sa courte carrière laissent la certitude qu’il aurait continué dans des voies novatrices. First Rays Of The New Rising Sun en est la meilleure preuve et le plus beau témoignage.
Crédits photos: Couverture album: the cover art copyright is believed to belong to the record label or the graphic artist(s).
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